La solitude dans le
ministère pastoral
Nicolas Cochand,
Institut protestant de théologie, Paris
(contribution à la pastorale 2019)
Le sujet de la solitude
est à la fois intéressant et délicat.
Je le trouve intéressant
parce qu’il permet de poser une question anthropologique fondamentale en lien
avec une problématique de théologie pastorale, mais délicat car il s’agit de
parler d’une expérience qui est évidente pour les uns, mais qui suscite également
de l’incompréhension voire du déni pour d’autres.
Toutefois, le simple
fait que le thème a été choisi pour une pastorale nationale suffit à indiquer
qu’il s’agit d’une expérience commune de beaucoup de pasteurs sinon de
chacun.e. Je pars donc du principe que je n’ai pas à démontrer la réalité de
l’expérience d’un sentiment de solitude, mais qu’il me revient d’en discerner
divers aspects, d’en extraire une dimension positive, d’en interpréter les
dimensions négatives et de faire quelques suggestions de prise en charge.
Par cette introduction,
je tiens d’abord à donner place à la souffrance qui peut être associée au
sentiment de solitude. Elle est réelle, elle est à chaque fois inscrite dans
une trajectoire personnelle, et il est important de l’entendre. En aucun cas ce
qui suit ne saurait être interprété comme un jugement porté sur cette
expérience.
J’aimerais donc
m’efforcer d’analyser et de comprendre le phénomène qui nous occupe. Je le
ferai sous trois angles. Je commencerai par affirmer qu’une part de solitude
fait partie de la condition du croyant devant Dieu. La solitude est à intégrer,
positivement, dans une anthropologie théologique. Ensuite, je prendrai en
compte quelques caractéristiques du ministère pastoral pour indiquer en quoi elles
comportent des risques de solitude. Une réflexion de théologie pastorale ne
peut faire l’impasse sur la dimension de la solitude que peut générer une
fonction particulière. Enfin, je me propose d’éclairer l’expérience du
sentiment de solitude en reprenant une question anthropologique spécifique,
celle de la reconnaissance, à partir, notamment, des réflexions de Paul Ricœur
à ce sujet.
Évocation biblique
Quelques mots, donc,
pour commencer, sur la possibilité d’une perception positive de la solitude.
Celle-ci fait partie de la condition croyante. La relation personnelle à Dieu
comporte une part irréductible, intime, secrète, dont nul n’a à rendre compte.
Je l’évoquerai par un rapide coup d’œil sur quelques textes bibliques.
Les Évangiles montrent
à de multiples reprises Jésus se retirant pour prier. Solitude et proximité de
Dieu ne s’opposent pas, au contraire. Certes, le passage au désert est aussi celui
de la tentation. La solitude, l’absence, n’est pas en soi un lieu spirituel, un
espace bienfaisant. Mais les Évangiles suggèrent, à l’exemple du Christ, que la
vie spirituelle intègre des temps de solitude.
La figure d’Elie est au
centre d’un récit qui va jusqu’à formuler un désir de mort du prophète. Il ne
cache donc rien de la difficulté d’être porteur d’une parole. Autant la figure
de Jonas, par exemple, n’est pas dénuée de ridicule lorsque le prophète dit
vouloir mourir, autant on ne peut pas dire la même chose d’Élie – sans nous
prononcer sur la nature et les conséquences de ses agissements à l’égard des
prophètes de Baal. Mais pour lui, cette même solitude va le conduire jusqu’à
l’expérience d’une présence de Dieu, dans le bruissement d’un silence.
Évoquons encore deux
éléments du Nouveau Testament. Dans l’Évangile de Marc, quand les disciples
reviennent de mission, ils rapportent à Jésus ce qu’ils ont dit et fait. Alors celui-ci
leur dit : « Venez à l’écart, dans un lieu désert, et reposez-vous un
peu. » (Mc 6,31). Cette proposition n’aboutit pas vraiment dans le récit,
la foule l’empêche et ce sera l’occasion d’une multiplication des pains. Mais
la recommandation n’est pas pour autant à évacuer. J’y entends la
reconnaissance d’une nécessité de temps d’isolement, de repos, de protection,
pour les porteurs de l’annonce évangélique.
Enfin, j’aimerais noter
l’invitation du Christ matthéen dans le Sermon sur la montagne :
« Mais toi, lorsque tu pries, entre dans la pièce la plus retirée, ferme
la porte et prie ton Père qui est dans le secret ; et ton Père, qui voit
dans le secret, te le rendra. » (Mt 6,6). La prière est ici le lieu d’un
dévoilement intime, d’une intériorité révélée qui va de pair avec une solitude
choisie. De manière intéressante, les propositions concernant l’aumône, la
prière et le jeûne contenues dans ce discours opèrent toutes par une mise en
contraste entre, d’un côté, l’attitude visant à agir de manière à être vu, à
être reconnu – le texte parle de récompense – et, de l’autre côté, l’attitude
prônée par le Christ, qui implique une part de renoncement à cette
reconnaissance sociale. J’aurai l’occasion de revenir sur ce thème.
Pour l’instant,
j’aimerais retenir de cette évocation rapide de quelques figures et passages
bibliques le fait que nous y retrouvons un caractère ambigu de l’expérience de
la solitude, entre désespoir et tentation, d’un côté, présence divine et
relation intime, de l’autre, mais aussi la reconnaissance du besoin d’être
préservé de l’envahissement des sollicitations par des temps de mise en
retrait.
J’ai bien conscience de
procéder ici de manière très cavalière avec le texte biblique, par évocation et
allusion, de sorte que je ne vais certainement pas en faire le point de départ
d’une injonction ou d’une recommandation. Les quelques éléments que nous venons
de synthétiser signalent toutefois deux aspects que nous pouvons prendre en compte :
l’ambivalence de l’expérience de la solitude, premièrement, mais aussi la
possibilité de la prendre en compte comme un élément constitutif de la relation
à Dieu et de la vie spirituelle.
Ces deux aspects
méritent d’être conservés en mémoire, aussi bien pour les personnes concernées
– individuellement et collectivement – que pour l’institution ecclésiale
appelée à donner un cadre et un soutien à l’exercice du ministère.
Le ministère pastoral,
une situation particulière
Dans un deuxième temps,
j’aimerais signaler quelques aspects du ministère qui peuvent contribuer à
renforcer le phénomène du sentiment de solitude.
Je dis renforcer car la
solitude n’est pas une expérience propre au pasteur, d’autres catégories
professionnelles et d’autres types de situation peuvent connaître une telle
expérience, parfois avec des conséquences dramatiques. On a notamment évoqué
des vagues de suicides chez certains grands opérateurs de l’économie française.
On a émis l’hypothèse
qu’une des causes majeures du mal-être professionnel provenait du fait d’être
soumis à des injonctions contradictoires, par exemple entre la disponibilité
pour le client et l’exigence d’efficacité et de résultat en termes de chiffre d’affaire,
conduisant à une perte de sens et d’orientation.
Par ailleurs, on peut
aussi relever que les fonctions de cadre, dans lesquelles on peut ranger le
ministère pastoral – du point de vue des tâches, mais pas forcément des responsabilités
et certainement pas de la rémunération ! – font que la personne en charge
peut éprouver une solitude par rapport à la structure et aux personnes avec qui
il évolue.
Enfin, notons encore
que l’ensemble des catégories professionnelles dont l’activité est centrée sur
le contact, l’accueil et la prise en charge des personnes fait l’expérience de
tensions entre l’institution qui les porte, l’autorité de référence et les personnes
qui leur sont confiées. Dans ce contexte général, quelles sont les spécificités
du ministère pastoral ?
J’aimerais reprendre
l’idée d’injonctions contradictoires en lien avec ce qui me paraît être deux
aspects propres, en tout cas forts, de l’expérience du ministère pastoral.
Premièrement, le
ministère est encadré par un ensemble de dispositifs structurels et
organisationnels autour du statut, de la nomination, du mandat, du cahier de
charges, des objectifs et de l’évaluation périodique. Il y a un risque de
maltraitance institutionnelle à ne pas négliger car ce cadre peut devenir le
lieu de l’expérience d’un sentiment de solitude extrême lorsque les conditions
de confiance ne sont pas réunies.
Deuxièmement, le
pasteur est en permanence confronté à des projections d’un idéal pastoral,
souvent non conscientes, parfois formulées agressivement. De plus, la personne elle-même
est portée par un idéal, qui souvent l’a amenée à entreprendre une formation
théologique en seconde voire en troisième voie et à embrasser le ministère pastoral
sur le tard. La confrontation avec une réalité complexe et parfois insatisfaisante,
mais aussi celle avec l’idéal projeté sur elle, peut devenir un facteur de
solitude. J’ai développé par ailleurs cette question de l’idéal projeté, en
différenciant les points de vue[1].
La crainte de la
solitude sociale est souvent évoquée par les futurs ministres qui appréhendent le
déracinement régulier, notamment celui du premier poste. Je note également la situation
de personnes vivant seules, qui parfois rencontrent des difficultés à prendre
distance de leur activité.
La question du secret
professionnel ou pastoral est souvent aussi mise en avant comme un facteur générateur
de solitude par les personnes qui envisagent un ministère. A l’expérience, je
n’ai pas l’impression que cela soit le cas, mais sans doute faut-il porter attention
à ce que l’on peut ou non partager avec son conjoint, par exemple.
Dans ce même registre
de la relation aux proches, il convient encore d’évoquer la difficulté de se
sentir porté dans un ministère qui exige disponibilité pour les autres,
horaires déstructurés, absences en soirée et occupation pratiquement tous les
week-ends.
Le point focal de la
problématique, à mon sens, est que la fonction pastorale met au cœur de la
visibilité et de l’exposition publique un domaine, celui des convictions, de la
spiritualité, de la foi, qui relève du personnel et de l’intime. De ce fait, la
protection de la sphère personnelle, le ressourcement, la vie spirituelle
propre constituent des lieux d’attention permanente.
Une certaine faiblesse
institutionnelle
Je voudrais me référer ici
à un petit ouvrage d’un pasteur suisse, Claude Vallotton, qui s’intitule Vers une Église plus crédible. Il fait
quelque chose de très contestable mais en même temps très révélateur. Ce qui
est discutable, c’est qu’il reprend des concepts de l’évolution psycho-sociale
de la personne pour les appliquer à des groupes ecclésiaux. Il s’appuie sur le
modèle de l’évolution de la personne par stades et crises successives, celui
d’Erikson, pour interpréter des difficultés qu’il a rencontrées dans des
groupes ecclésiaux auprès desquels il a été appelé à intervenir. C’est donc
très contestable du point de vue de la méthode, mais c’est éclairant. Je cite
un passage de sa conclusion : « [parmi les troubles que j’ai
présentés,] les trois suivants occupent une place centrale : la demande
insistante supprimant la distance entre les êtres, la confusion de
l’institutionnel et du personnel, la difficulté à nommer le sens[2]. »
Il poursuit (ibid.) :
« Le contexte ecclésial offre un terrain favorable pour vivre ces tensions
et pour les comprendre. Cependant les Églises utilisent peu leur capacité de
prendre du recul. Elles oscillent entre le repli dans les sacristies
dogmatiques, liturgiques ou éthiques et une ouverture à la société, en
reprenant sans trop y réfléchir les dernières trouvailles du management ou du
marketing. Elles vivent en deçà de leurs possibilités et sous-estiment les
potentialités de leurs institutions et des personnes qui les animent. »
L’hypothèse principale de Vallotton est que les tensions sont des phénomènes
normaux dans les groupes humains, mais que le milieu ecclésial tend à les
durcir et à mal les gérer. Il observe que l’on confond trop souvent les
niveaux, entre l’institutionnel et le personnel, entre la fraternité requise et
la distance à maintenir dans un juste respect des personnes, et dans
l’activisme qui tend à perdre de vue la finalité et le sens de la mission qui
est confiée à l’Église.
A mon sens, le
sentiment de solitude naît souvent de situations de tensions niées ou mal
gérées, dont on se sent prisonnier, où le fait de ne pas trop savoir où se
tourner pour en parler peut faire grandir une perception négative et
destructrice d’isolement de la personne dans la fonction qu’elle porte et qui
lui pèse de plus en plus, du moins certains aspects. Si je détourne un peu
Vallotton de son objet, je dirais que les enjeux centraux pourraient se trouver
dans une juste distance entre les personnes, dans une clarification de
l’articulation entre l’institutionnel et les personnes qui en ont la charge, et
dans le retour constant à la finalité, au sens de notre action et de notre
engagement.
En conclusion de cette
deuxième partie, je considère qu’il n’y a pas un facteur spécifique, mais un
ensemble d’éléments qui peuvent contribuer à faire émerger ou à renforcer un
sentiment de solitude. Il n’en va pas de
chercher à éliminer la solitude, mais de s’efforcer de lui rendre sa juste
place, et si possible d’en retrouver une perception positive. Cela peut
s’opérer à plusieurs niveaux qui ne s’excluent pas mais au contraire
s’articulent les uns aux autres : par la recherche d’une meilleure assise spirituelle,
par un travail d’interprétation théologique, par une clarification
institutionnelle et par une mise en réseau social. Par théologique, j’entends
une recherche qui porte moins sur des contenus que sur la capacité de
comprendre et d’interpréter des situations à la lumière de contenus de nature
diverse[3].
Une part de ce travail
est éminemment personnelle : le travail spirituel, théologique et
relationnel ne peut pas être prescrit, d’autant qu’il s’inscrit nécessairement
dans une histoire et une trajectoire personnelle.
Mais il y a aussi une
dimension institutionnelle. Les indications du terrain suffisent à montrer le
potentiel de désordre et de destruction de l’institution ecclésiale lorsqu’elle
ne se donne pas les moyens d’un recul critique régulier sur son organisation et
sur les interactions qui s’y jouent. Il est du devoir de l’institution
ecclésiale de veiller à la clarté des processus et des fonctionnements, mais
aussi de soutenir, d’accompagner et de protéger les personnes actives dans les
ministères qu’elle leur confie.
Une place pour
l’APF ?
Je me demande s’il n’y
a pas ici un lieu possible pour un tiers, que pourrait être l’APF, qui pourrait
offrir une structure de soutien, en posture de neutralité bienveillante. Face
au refus répété, dans l’EPUdF et avant cela dans l’ERF, de mettre en place un
service de supervision pastorale, tel qu’il existe, par exemple, en Suisse romande,
l’APF pourrait prendre un rôle actif dans la promotion d’un service de ce type,
qui serait à disposition non pas pour intervenir en Église locale, mais pour
accompagner, écouter et soutenir celles et ceux de ses membres, pasteurs, qui
feraient appel à un tel service. La supervision pastorale ne peut pas être
prescrite. Mais elle peut être reconnue comme un service utile à l’Église et
aux personnes.
Solitude et besoin de
reconnaissance
J’entre maintenant dans
la troisième et dernière partie de mon apport, pour laquelle j’ai pensé utile
de reprendre la notion de reconnaissance. En effet, je me demande si, dans le
sentiment de solitude, il n’y a pas quelque chose de l’ordre d’un besoin
ou d’un désir de reconnaissance bafoué – on a parlé, à ce sujet, de
méconnaissance.
Paul Ricœur a consacré
un ouvrage à analyser la thématique de la reconnaissance ; c’est
pratiquement sa dernière publication[4].
J’aimerais en relever brièvement la source principale, commenter un aspect de
son développement et proposer un regard théologique sur la question.
Ricœur se réfère
explicitement à un philosophe et sociologue allemand, Axel Honneth[5].
Chez ce dernier, il convient de parler de philosophie sociale plutôt que de
sociologie dans la mesure où l’approche n’est pas prioritairement empirique
mais réflexive et critique (Honneth peut être rattaché à l’école de Francfort).
Honneth lui-même part d’une proposition de Hegel, qu’il estime être le premier
à reprendre et à développer. S’appuyant également sur les approches
psycho-sociales et psycho-affectives de Mead et de Winnicott, Honneth propose
de distinguer trois types, ou trois niveaux de la reconnaissance : un niveau
psycho-affectif, où se développe en particulier la confiance en soi ; un
niveau qu’il qualifie de juridique, où se développe en particulier le respect
de soi, et un niveau qu’il qualifie d’éthique ou de social, où se développe
l’estime de soi. Il en va d’être reconnu dans sa personne, dans son statut
particulier et dans son action. Comme l’indique le titre de son ouvrage, pour
lui, la vie sociale est le lieu d’une lutte pour la reconnaissance. Celle-ci
prend une forme individuelle, mais elle a aussi, dans le monde contemporain,
une forte dimension collective.
Ricœur reprend
largement les réflexions d’Honneth. Il commence toutefois en explorant le champ
sémantique du verbe reconnaître. Dans un premier temps, ce verbe désigne un
processif d’identification, un processus cognitif, donc, où ce qui est
rencontré est associé à ce que l’on connaît déjà : « ah oui, je te
reconnais. » Il souligne ensuite que la quête de la reconnaissance
implique un passif, celui d’être reconnu, de recevoir reconnaissance, acte qui
peut, à son tour, générer un actif, celui de la gratitude, qui désigne encore
un autre aspect du champ sémantique de la reconnaissance. On peut entendre, de
manière sous-jacente – Ricœur met ici en œuvre une herméneutique philosophique
plutôt que théologique –, le parcours de la reconnaissance comme une manière
d’expliciter un parcours existentiel en écho de la grâce divine, comprise comme
reconnaissance inconditionnelle, à laquelle la réponse de foi est de l’ordre de
la gratitude.
L’approche de Ricœur
nous invite à mettre en lien et en tension l’accueil inconditionnel que
constitue la grâce divine et la quête de reconnaissance qui caractérise les
interactions humaines. En perspective chrétienne, nous ferons de la grâce
première le socle de toute reconnaissance véritable. Mais nous éviterons
également de faire de la grâce la simple réponse à un besoin humain. La
reconnaissance sociale est une quête sans fin, car elle ne trouvera jamais de
réponse définitive[6].
Accueillir la grâce, c’est aussi reconnaître sa condition pécheresse, dont on
peut dire, pour rester dans le même registre, qu’elle est nourrie de l’illusion
que nous pouvons parvenir à la pleine reconnaissance par notre personne, notre
statut et notre activité. À l’inverse, nous nous garderons également de nier la
réalité du besoin humain de reconnaissance. Le travail spirituel et théologique
peut aider à lui restituer sa juste place.
Les distinctions
qu’opère Honneth peuvent nous aider à discerner sur quel plan nous nous situons
lorsque nous interprétons un sentiment de solitude comme l’expression d’une
absence de reconnaissance ou d’une méconnaissance. En va-t-il de notre
personne, de notre besoin d’être accueilli, reconnu et aimé ? En va-t-il d’un
juste respect de notre statut de pasteur, d’un anticléricalisme larvé, d’un
conflit d’image du ministère ? En va-t-il de notre travail, de nos compétences,
de notre manière d’agir dans le ministère et de l’habiter ?
Conclusion
Après avoir relevé la
part de solitude inhérente à la rencontre du croyant avec Dieu, j’ai relevé
quelques enjeux de l’expérience de la solitude dans le ministère, en soutenant
que si une part de la prise en charge revient à la personne, des
responsabilités collectives sont aussi en cause. L’institution ecclésiale
souffre d’une inaptitude récurrente à affronter les tensions que tout groupe
humain génère et tend au contraire à les amplifier. J’ai identifié là un lieu
possible d’action pour l’APF. Enfin, j’ai proposé d’interpréter la
problématique de la solitude pastorale à la lumière de la thématique de la quête
de reconnaissance, comme relecture de l’expérience de la grâce. J’espère avoir
ainsi contribué à éclairer et à articuler les enjeux révélés par l’expérience
de la solitude pastorale. Nous sommes appelés à distinguer ce qui est de
l’ordre de l’existence croyante devant Dieu, qui éclaire toute vie spirituelle
et toute prédication de l’Évangile, de ce qui relève d’une attente légitime de
reconnaissance, de la part du pasteur, dans sa personne, dans sa fonction et
dans son action.
[1] Voir Nicolas Cochand,
« Les ministres : des signes en chair et en os ? », dans Les Eglises au risque de la visibilité (Cahiers de l'IRP, Hors-série 2),
Lausanne, 2002, p. 119-126.
[2] Claude H. Vallotton, Vers une Église plus
crédible, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 115.
[3] Voir par exemple Identité
théologique des pasteur(e)s ? Un débat, Cahiers de l’IRP 33,
1999, accessible en ligne : http://wp.unil.ch/lescahiersiltp/files/2019/01/CahiersIRP_n.33_1999.04-compressed.pdf (consulté le 19 juillet
2019).
[4] Paul Ricoeur, Parcours de la
reconnaissance. Trois études, Paris, Stock, coll. « les essais »,
2004.
[5] Voir Axel Honneth, La lutte pour la
reconnaissance, Paris, Cerf, coll. « Passages », 2010 (allemand
1992).
[6] Telle est la
perspective de Pierre Paroz, La
reconnaissance. Une quête infinie ?, Genève, Labor et Fides, coll.
« Lieux théologiques », 2011. Il se réfère à Axel Honneth, mais pas à
Ricœur. Il cherche à montrer, par une comparaison très didactique avec
différents récits mythologiques, la spécificité chrétienne de la grâce qui
n’est pas une réponse, mais une offre
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